Comment s’en sortir, comment enclencher la résilience ?

Résilience ? Je vais mettre les pieds dans le plat (celui de nos fêtes de fin d’année), au risque de choquer. Car il s’agit bien de choc. Nietzche nous a prévenus « Ce qui ne nous tue pas… nous rend plus fort ». Alors, il s’agit, aujourd’hui d’utiliser ce que nous avons de vivant en nous pour nous ressourcer et non rester au fond du trou et du marasme…

La résilience est un grand mot qui s’adresse aux grands maux, les énormes, ceux qui sont insupportables, nous traumatisent. Ceux qui détruisent, laissent à jamais marqué au fer rouge. Ceux dont on ne réchappe pas. Ce mot nous vient de Boris Cyrulnik, s’appuyant sur les travaux de John Bowlby, à propos des survivants des camps de concentration. Comment peut-on survivre à un traumatisme ?

Voici une définition « humaniste » de la résilience : « La résilience est la capacité d’une personne ou d’un groupe à se développer bien, à continuer à se projeter dans l’avenir, en présence d’événements déstabilisants, de conditions de vie difficiles, de traumatismes parfois sévères.

Alors, aujourd’hui, face à la COVID-19, comment s’en sortir ? Comment trouver en soi des ressources insoupçonnées ?

Pour me rassurer, avant d’écrire ces lignes, je me suis dit qu’examiner la notion de résilience me permettrait peut-être de garder un peu le moral, de mieux résister, envisager un chemin d’espoir. Me voilà rassurée : il est possible de faire face et continuer à vivre une vie qui en vaille la peine, et cela, grâce non seulement à un potentiel bâti au coeur de l’enfance, confiance en soi, solidité, intégrité, mais aussi au soutien de personnes de confiance, de son entourage plus ou moins proche. Ouf.

Les travaux sur la résilience montrent que tout se passe grâce au tempérament de l’enfant. Il met en place des moyens de défense internes, comme le déni pour ne pas voir la réalité dangereuse, ou la banalisation. Mais rien n’est trop tard. Les armes utilisées sont aussi la rêverie, l’intellectualisation, l’abstraction et enfin l’humour. Il s’agit donc d’être créatif, de transformer, d’installer quelque chose qui n’y était pas avant.

Face à la pandémie, en premier, j’ai assisté stupéfaite à l’enchainement des événements, et résisté pour m’adapter. Non, j’étais bien réveillée, et il fallait faire face à la réalité. Dans un deuxième temps, le choc intégré, bien au fond du trou, que faire ? Car le temps passe, et c’est incroyable, mais le corps, et l’esprit, évoluent, et tentent de reconstruire face à l’adversité. C’est plus fort que moi, ma tête tourne et retourne, quel sens tout cela a-t-il ?

Alors, on s’y met ? Et si on passait aux travaux pratiques ? En référence, vous trouverez quelques lectures qui m’ont inspirée, et j’en remercie « ces moments de la vie où nous pouvons prendre conscience de nos ressources intérieures » (Bertrand Picard, « Changer d’altitude »).

Comment se passe le processus de changement, et tout d’abord, comment déblayer le mur qui nous emprisonne ? Je vais juste faire un tout petit moment d’observation sur l’état de choc dans lequel on se trouve, quand on reçoit de plein fouet les évènements qui nous enfoncent toujours plus bas, jusqu’à être au fond du trou. Là, pour m’inspirer, j’évoque les bons jeux de mots mon chef de file, Bernard Leblanc-Halmos, qui nous demande à quel point nous en sommes.

Au point mort ? Au point de laisser tomber, inerte et sans courage ?
Au point de mire, de reporter son mal sur les autres ?
Au point d’attache, et s’y empêtrer ?
Au point de désaccord ?
Au point de replis, argggg non surtout pas, je suis pas là….
Au point sensible ? Ouille ça fait mal….
Au point chaud, qui réveille les combats ?
Au point d’honneur, allons rejoindre la manif’
Au point de saturation ?
Au point de congélation, tout refroidi ?
Au point de côté, douloureusement bloqué ? Au point d’interrogation, chercher, chercher, chercher des solutions….

Nous avons 3 manières de réagir, soit s’enfoncer encore plus, soit trouver les moyens de s’en sortir, revenir à l’équilibre d’avant, soit, non seulement remonter la pente, mais s’en servir de tremplin.

La définition tout première de la résilience se fait d’après la résistance d’un matériau aux chocs, le « fait de rebondir », du latin resilientia, de resiliens). Cette définition a ensuite été étendue à la capacité d’un corps, d’un organisme, d’une espèce, d’un système, ou d’une structure à surmonter une altération de son environnement. Mmmh, pas vraiment évident : est-ce que c’est possible de la déclencher volontairement ?  « Le malheur n’est pas une destinée, rien n’est irrémédiablement inscrit, on peut toujours s’en sortir. » Un merveilleux malheur de Boris Cyrulnik (Editions Odile Jacob). L’évolution tend vers la résilience quand la personne a retrouvé sa capacité d’espérer (petite référence à mon article sur l’espoir qui est donc l’étape numéro 1). Ensuite, faites comme moi, lire que cela est possible, envisager le possible, savoir qu’on peut y arriver dans des cas carrément insupportables, inouïs, permet de donner des arguments à l’espoir, le nourrir. Le processus est enclenché. En sera-t-il de même pour vous ?

Qu’avez-vous devant les yeux ? Tous vos soucis, vos points de vue bien ancrés, les problèmes et craintes pour demain ?

Saisissons le courant d’air, la mutation, la force de l’émotion afin de sortir de son cadre, de son jeu, et de son « je », égocentrisme.

Un des moteurs secrets de la résilience est d’analyser puis utiliser nos émotions.

Étudions les émotions qui nous submergent. Identifions quelle est l’émotion dominante en nous pour l’observer, comprendre ce qui bloque, et l’utiliser pour nous délivrer…Dans les 5 manières de s’abîmer, Où vous reconnaissez vous ? Distinguez l’émotion véhiculée, décodez votre fonctionnement !

– Se placer au-dessus de tout en mettant les autres en dessous. L’émotion qui se cache dans cette attitude est l’orgueil.
– Râler, ronchonner, et être persuadé de penser justement. Il y a un refus des adversités, une répulsion face aux contrariétés. L’émotion sous-tendue est la colère.
– Courir, être complètement débordé. Les désirs sont très forts, insatiables….
– Se sentir fatigué, usé, déprimé, en dessous de tout. Pourquoi les autres s’en sortent et pas moi. Nous voguons en pleine conspiration. L’émotion de la jalousie nous submerge.
– S’inquiéter, toujours, encore, nourrir les soucis, les problèmes, les difficultés. Avoir peur.

Toutes ces émotions nous révèlent aussi le potentiel avec lequel nous pouvons changer. Par exemple : avoir peur ? Mais la peur peut paralyser, mais aussi donner des ailes ! Si l’orgueil vous engorge, peut-être est-il temps de trouver un chemin un peu plus modeste ? La colère est une ressource très utile pour utiliser l’énergie, mais pas de manière combattive, plutôt pour s’élancer ! Les désirs vous ensevelissent ? Il est temps de lâcher du lest ! Et face à la jalousie, peut-être pouvez-vous, uste prendre le temps d’observer tout ce que vous avez déjà en vous, de pas assez révélé ?

Qu’est-ce qui vous manque, là, maintenant ? Qu’est-ce qui s’accumule ? Quels sont les désirs que vous cherchez à combler (en vain) ? En les exprimant, les formulant, le mouvement va s’initier.

Je manque de … (espace, air, amour, reconnaissance, argent, santé, etc. etc. etc.)
Donnons un air neuf à ces manques. Faites comme moi, essayez, c’est dingue.
Retournons la situation.
Je manque d’amour ? Je ne manque pas d’amour : je manque à l’amour ! Est-ce que j’en donne assez ?
Je ne manque pas de temps : je manque au temps ! Et si je m’en donnais ?
À quoi je m’accroche ? À mes idées, mes pensées, mes valeurs ? Tout doit être tel que je le conçois ?
Continuons sur les « et si… », introduisons la surprise.
Et si… je dénichais quelque chose d’inédit, de nouveau, une astuce, un système D ?
Et si… je prenais le risque de produire une étincelle plutôt que de maudire l’obscurité ? Oui c’est le ressort de la créativité qui nous met dans le mouvement du rebond ! Nous y voilà, on peut conquérir sa liberté en se délestant de ce qui l’entrave. Nous pouvons amorcer le processus de changement par l’accompagnement plutôt que la lutte. La révélation de tous les manques permet de mettre à jour ce que notre enfant intérieur n’a pas eu de comblé. La verbalisation, démystification des faits permet de dissocier de l’étau émotionnel.

Pour sortir de la roue émotionnelle, l’entrainement à la « safe place » comme l’appelle Bertrand Piccard, ou du point de vue sophrologique, conforter les ressources intérieures, permet d’utiliser ce capital pour mieux se protéger et envisager plus sereinement le futur. Nous fabriquons un lendemain noir, qui n’est pas en adéquation avec la réalité. La peur est utile et nous protège. Mais encore faut-il ne pas se laisser emporter, et ne pas extrapoler de manière négative. Pour se préparer à vivre un futur en pleine possession de nos ressources, il faut changer sa relation avec soi, détecter nos automatismes de pensées, comprendre avec quelle émotion nous abordons les événements qui nous frappent… L’obstacle, la contrariété devient un signal. En luttant contre, on renforce l’énergie de l’obstacle. On peut donc utiliser la force de l’obstacle pour dévier notre trajectoire.

Le « et si.. » que je propose dans la méditation permet de créer un moment de rupture, un choc pour sortir de la façon automatisée et programmée que l’on a de réagir aux différentes situations de la vie. Utiliser le paradoxe permet de changer d’altitude et d’attitude. B. Piccard nous rappelle qu’un paradoxe fonctionne en dehors de la loi, de la norme. L’utiliser permet d’obtenir autre chose que la réponse conventionnelle à laquelle on peut s’attendre.

Nous avons donc vu que le principal obstacle au changement n’est donc pas le symptôme, mais le poids du lest embarqué dans la vie, et la peur de l’inconnu. Cultiver l’esprit de l’aventure, de surprise, de créativité, permet d’aborder les turbulences de la vie, et de jeter les semences de résilience. L’événement inattendu pourra être vu sous un autre angle, procurer même une bouffée étonnante d’énergie intérieure…

Si vous voulez prendre un petit moment pour vous centrer, et digérer tout ça, voici une visualisation qui va vous proposer de prendre un peu d’altitude.

Références :

Wikipedia, définition de la résilience.

Vidéo : Boris Cyrulnik – Surmonter les obstacles avec la Résilience.

Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur (Editions Odile Jacob).

Merci Bernard Leblanc-Halmos pour toutes ces inspirations. Bernard Leblanc-Halmos, « Commment sortir de son trou l’inévitable fertilité des émotions« , Editions l’être image.

Bertrand Piccard, “Changer d’altitude, quelques solutions pour mieux vivre sa vie”, éditions Stock.

Article : La résilience, Un regard qui fait vivre, Michel Manciaux.

Article : Fiche passeport santé sur la résilience.

Article Psychologies, Résilience : comment ils s’en sortent, par Isabelle Taubes.

Articles Psychologies, Qu’est-ce que la résilience, par Catherine Marchi.

Image par meineresterampe de Pixabay.